L’Irlande, une aventure inattendue !
Jamais je n’aurais imaginé vivre un jour en Irlande, travailler pour Apple, et encore moins croiser Tim Cook dans les couloirs.
Le commencement
Avec le recul, je réalise maintenant que cette folle aventure a en réalité commencé plusieurs mois avant le premier contact. En septembre 2016, huit mois avant mon départ pour travailler avec la grande pomme ultra-connue, j’étais salarié en CDD pour un groupe de protection sociale à Paris. À cette époque, cumuler des CDD m’arrangeait énormément, et je ne me voyais pas avoir un CDI, encore moins quitter Paris.
Mais pourquoi ai-je finalement quitté Paris ? En fait, en septembre 2016, ma mère avait subi des examens complémentaires ainsi qu’une biopsie, et je savais que les résultats ne seraient pas bons du tout. J’ai décidé de quitter Paris et mon travail sur-le-champ afin d’être présent le jour où le médecin spécialiste annoncerait la mauvaise nouvelle.
Ce jour est arrivé très rapidement, et je n’oublierai jamais l’effondrement de ma mère lorsque le mot CANCER est sorti de la bouche du spécialiste. Le cancer a toujours été la principale cause de mortalité dans ma famille, que ce soit du côté de mon père ou de ma mère, mon père ayant d’ailleurs succombé à cette maladie en 2012.
En tant que fils ayant perdu son père plusieurs années auparavant, je voulais absolument être là pour soutenir ma mère jusqu’au bout. En l’accompagnant tous les jours de la semaine à la clinique pour ses séances de radiothérapie, une profonde dépression s’installait dans ma tête. Même si j’étais présent pour ma maman, je me sentais complètement vide et inutile pour la société. Ce sentiment est vraiment horrible, et je ne le souhaite à personne.
Si vous vous sentez déprimé, n’hésitez pas à en parler à vos amis, à vos proches ou à des organismes et associations comme SOS Amitié.
Mars 2017
Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis que j’accompagnais ma mère à ses consultations, à ses séances de radiothérapie, et les médecins étaient très optimistes concernant son cancer. Pour eux, c’était une question de quelques mois avant que ma mère se sente mieux. Je me souviens du jour où, par je ne sais quel miracle, j’ai décidé de rédiger mon CV en anglais. J’avais trouvé par l’intermédiaire de Google un site d’emploi en anglais pour des postes au sein de l’UE, et je m’étais dit que j’allais publier mon CV, juste pour essayer, car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Après la publication de ce CV, je n’ai jamais revisité ce site, car dans ma tête, je pensais certainement retourner à Paris pour obtenir des CDD et des missions d’intérim dans les assurances ou les groupes de protection sociale.
MILOS DENOVAK
« À ce moment-là, j’ai réalisé que c’était sérieux et qu’il fallait que je prenne une décision importante pour ma vie en seulement quelques heures. »
« Au moment où j’ai entendu « sous-vêtements », j’ai commencé à paniquer, car je ne savais pas comment il réagirait en voyant la « vérité » »
L'e-mail d'Amélie
Un beau jour, j’ai reçu un e-mail d’une certaine Amélie, qui travaillait pour la société américaine Apple. Elle m’informait qu’elle avait consulté mon CV sur le site où je l’avais publié en anglais et qu’elle serait intéressée pour discuter d’une éventuelle opportunité. Inconsciemment, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai pensé que c’était une arnaque pour obtenir des informations personnelles. Mais après avoir lu des témoignages en ligne de Français travaillant en Irlande pour des géants de la tech, je me suis dit : pourquoi ne pas discuter avec Amélie ? Après tout, cela n’engageait à rien.
Mon niveau d’anglais était correct, mais je n’avais aucune expérience dans le domaine de la tech, alors je pensais que c’était fichu. Les entretiens avec Amélie, puis avec Aurélie, se sont bien déroulés. Étant donné que je pensais que c’était fichu depuis le début, j’ai passé les entretiens sans me prendre la tête. J’ai d’ailleurs raté mon test technique. Pourtant, un beau jour, j’ai reçu un appel m’annonçant qu’Apple souhaitait m’embaucher pour un CDI en Irlande. À ce moment-là, j’ai réalisé que c’était sérieux et qu’il fallait que je prenne une décision importante pour ma vie en seulement quelques heures.
"Vas-y, mon fils."
J’étais à la fois anxieux à l’idée de découvrir un nouveau pays, de dire au revoir à mes habitudes parisiennes, et surtout, j’avais peur pour ma mère. Même si tout devait bien se passer pour elle, j’ai pensé que si jamais il y avait un problème, Cork était bien plus loin que Paris, et revenir serait bien plus compliqué que de prendre un train ou un BlaBlaCar. J’en ai parlé à ma mère, et je lui ai dit que j’avais décroché un travail pour Apple.
Elle était très contente pour moi, mais elle pensait que le poste était à Paris. Quand je lui ai annoncé que le poste était en Irlande, j’ai vu dans ses yeux une tristesse à l’idée de me voir partir. Elle m’a demandé : « Tu dois partir quand ? » Je lui ai répondu : « C’est dans deux semaines… » En voyant son regard, j’ai ajouté : « Mais je peux refuser et rester en France, rester à Paris pour être près de toi et venir te voir régulièrement. »
Elle a senti dans ma voix que j’étais triste pour elle, mais aussi pour moi, car ce genre d’opportunité ne se présente généralement jamais. Je n’avais pas postulé, et j’avais raté mon test technique. Ma mère a pris ma main et m’a remercié pour tous les mois que j’avais passés à prendre soin d’elle et à l’accompagner à ses séances de radiothérapie. Elle a ajouté qu’elle connaissait déjà Paris à mon âge, et qu’à son époque, elle avait quitté la Yougoslavie pour venir vivre son expérience en France. Elle m’a souri et m’a dit : « Vas-y, mon fils, va en Irlande et avance dans la vie. »
« c’était avant tout une aventure humaine entre des êtres venant de différents endroits de la planète avec leurs cultures et leurs bagages »
« c’était avant tout une aventure humaine entre des êtres venant de différents endroits de la planète avec leurs cultures et leurs bagages »
Samedi 20 mai 2017
Ce jour-là, mon amie Bérangère m’a accompagné à Roissy Charles de Gaulle, et elle m’a souhaité une belle aventure. Tout au long du trajet dans sa voiture, ainsi qu’à l’aéroport, j’étais super tendu à l’idée de partir et d’arriver en Irlande. J’ai eu le réflexe du bon vieux Français qui s’inquiète pour la météo. Ce jour-là à Paris, il faisait beau et il faisait 20 degrés, tandis que sur mon application météo, je voyais qu’à Cork, il faisait 10 degrés avec un temps nuageux et pluvieux.
J’ai dit au revoir à Bérangère et je suis monté dans l’avion en direction de Cork. Durant le vol, j’ai peut-être un peu abusé des mignonnettes de vodka, de vin et de whisky, ce qui a déclenché un moment de panique et d’émotion inattendu lorsque j’ai eu du mal à me faire comprendre par le chauffeur de taxi une fois arrivé. Aujourd’hui, je peux en rire, mais sur le moment, c’était tout sauf drôle.
Après avoir posé mes valises, je suis sorti immédiatement pour découvrir la ville, sans me rendre compte que ma vie allait être une aventure pleinement vécue à 100 à l’heure pendant presque deux ans. Le lundi 22 mai 2017, j’ai commencé mon contrat pour Apple, et dès la première semaine, un Irlandais nous a dit : « Quand vous arrivez chez Apple, vous vous faites forcément des amis pour la vie. » Il avait raison. Mon aventure irlandaise n’était pas seulement une histoire de travail pour une société prestigieuse ou de beaux endroits à visiter comme Dublin ou les Cliffs of Moher, c’était avant tout une aventure humaine entre des êtres venant de différents endroits de la planète avec leurs cultures et leurs bagages.
Cork
Cork est la deuxième plus grande ville du pays, située dans le sud de l’île, à environ 3h30 de Dublin. Je ne saurais dire combien de pubs j’ai fréquentés en près de 24 mois, mais je dirais une cinquantaine, avec une petite préférence pour l’An Brog, le Deep South et le Tom Barry’s. Si vous avez la chance de voyager, je vous encourage vivement à visiter ce magnifique pays qui regorge de lieux superbes. Les falaises, les lacs, les forêts, les châteaux, les universités, les pubs, la culture irlandaise… tout en vaut la peine ! L’Irlande n’est généralement pas une destination qui fait rêver les gens, et la principale raison en est le climat, mais croyez-moi, c’est une île incroyable.
Les Irlandais sont tellement adorables, et je n’ai rien de négatif à dire à leur sujet. En deux ans, je n’ai eu aucun conflit avec eux. Ils se sont toujours montrés gentils, courtois et patients avec moi. En particulier, mes amies féminines se sentaient bien plus en sécurité en Irlande qu’à Paris ou dans toute autre ville hexagonale lorsqu’elles rentraient seules la nuit. Je partage ce sentiment avec elles : même rentré plusieurs fois complètement ivre, je n’ai jamais été embêté. Un jour, un ami a oublié son téléphone au pub, et croyez-moi, trois heures plus tard, il l’avait retrouvé son iPhone.
Le seul moment où il peut y avoir un conflit entre Français et Irlandais, c’est lorsqu’il y a un match de football ou de rugby entre les deux pays, haha ! J’étais là-bas pour la finale du Tournoi des Six Nations en février 2018, et l’ambiance dans le pub était tout simplement incroyable. On s’insultait quand l’adversaire marquait, mais cela restait bon enfant. À la fin, lorsque l’Irlande a gagné, certains sont venus nous féliciter pour le match. C’est drôle, car en écrivant ces lignes, je me rappelle que je n’ai jamais été vraiment passionné par les événements sportifs, mais j’ai commencé à les aimer justement en Irlande, entouré de gens incroyables avec qui j’avais juste envie de partager un moment.
Les 12 pubs
Je vous ai parlé précédemment de certains pubs qui me tenaient à cœur, mais je ne vous ai pas parlé d’une tradition à faire avec ses amis juste avant Noël. Cette tradition, ce n’est pas celle des pulls moches, mais celle des 12 pubs. À quoi cela rime-t-il, me direz-vous ? Cela rime à boire 12 verres, dans 12 pubs différents, avec 12 règles différentes ! C’est à la fois amusant et éprouvant, car nous savons tous qu’il est difficile d’atteindre les 12 verres sans finir par la case « vomito » ou « gros burger chez McDonald’s ou Burger King du coin » pour absorber tout ça, haha. Personnellement, je n’ai jamais réussi à dépasser les 8 verres, mais je finissais toujours la soirée en me goinfrant de fast-food avec mes ami(e)s.
La première année où j’ai célébré cette tradition avec mes ami(e)s, je me souviens que nous étions plusieurs à dormir chez moi, pour ensuite aller le lendemain matin à Lidl faire les courses pour le réveillon de Noël qui avait lieu le soir même. Nous déambulions dans les rayons de Lidl comme des zombies, et nous avions tellement la flemme de rentrer à pied avec les sacs de courses que nous avons pris un taxi pour parcourir 700 mètres.
Notre maison était la maison de l’amour, et seules certaines personnes pourront comprendre ces mots. Pour les autres, je vous laisse imaginer.
Le logement
Pour ceux qui souhaitent vivre en Irlande, sachez que le logement est un véritable problème dans le pays. Il y a une énorme crise du logement, et les prix grimpent très rapidement. Nous nous tournons alors tous vers la colocation, qui reste onéreuse mais toujours plus accessible que de vivre seul dans un studio. Si je peux vous donner un conseil avant de choisir une colocation, c’est de bien réfléchir avec qui vous allez vivre. Que ce soit avec des amis, des collègues ou des inconnus, la colocation n’est jamais facile. Il ne faut pas oublier que chaque être humain peut avoir plusieurs facettes : une en public et une en privé. Je ne dis pas ça pour effrayer les gens, mais simplement pour vous faire prendre conscience que parfois, vivre avec ses amis ou ses collègues peut s’avérer compliqué.
Dans mon cas, après avoir galéré plusieurs mois pour trouver un logement, j’étais sur le point de rentrer en France. Mais un après-midi, alors que j’étais au pub Oval Bar avec mon amie et collègue Aurélia, j’ai reçu un message d’une certaine Chiara qui avait reçu ma « candidature » pour une chambre. Elle m’a demandé de venir dans une heure pour discuter avec elle et l’autre colocataire, Cristina. Cela tombait à pic, car l’Oval Bar était à quelques mètres de la maison. J’ai demandé à Aurélia si elle était d’accord pour m’accompagner, et elle a accepté. Aurélia m’a porté chance ce jour-là, car sans le savoir j’allais enfin décrocher une colocation de rêve dans une maison incroyable ! Quelques jours plus tard, j’ai reçu un message de Chiara disant que Cristina et elle voulaient habiter avec moi. Ce jour-là, j’étais super heureux et soulagé de pouvoir rester en Irlande.
Vivre en colocation n’est pas facile tous les jours. Chaque être humain a ses défauts, et je suis le premier à en avoir. Mais naturellement, tout s’est bien passé avec mes colocataires, et nous savions parfaitement quel était notre rôle dans notre maison. Nous n’avons jamais eu de disputes pour une histoire de papier toilette ou de nourriture, et nous n’avons jamais eu de drames comme dans certaines autres colocations où tout part en guerre. Je pense qu’en colocation, il faut savoir dire pardon quand on a tort et respecter l’intimité des autres. Nous avons organisé je ne sais combien de soirées avec nos amis en commun, des dîners entre nous, et il y a toujours eu ces moments de partage, que ce soit avec nos bouteilles de vin, notre nourriture ou notre culture. J’ai vécu près de deux ans avec des Italiens, et j’étais très heureux, car je vivais enfin mon auberge espagnole en version irlandaise avec des Italiens, et c’était un pur bonheur !
Les gens
J’ai adoré visiter des endroits, travailler dans la tech, découvrir une nouvelle culture, mais ce que j’ai le plus apprécié, ce sont les personnes que j’ai rencontrées pendant ces 22 mois. Que ce soit mes collègues, mes managers, mes colocataires, mes voisins, je n’oublierai jamais les bons moments passés avec eux, ainsi que les moments moins drôles où nous étions juste des êtres humains ayant besoin de parler, d’être écoutés et d’avoir des mouchoirs pour essuyer nos larmes. Dans l’un des paragraphes précédents, je vous parlais d’une personne chez Apple qui avait dit qu’ici, on se faisait des amis pour la vie. Cette personne s’appelle Tony, et c’est lui qui m’a formé au tout début pour me permettre d’acquérir les compétences nécessaires. Je n’ai pas eu l’occasion de le revoir, mais si un jour je le revois, je lui dirai qu’il avait raison, car c’est grâce aux gens que j’ai rencontrés, c’est grâce aux amis que je me suis faits que j’ai pu rester deux ans en Irlande.
À l’heure où j’écris ces lignes, Apple a été l’expérience la plus longue de ma vie, et pourtant, le travail n’était pas simple tous les jours. Ce sont leurs sourires, leur bonne humeur, leurs blagues qui m’ont fait tenir si longtemps, sans oublier nos folles soirées, nos folles après-midi au pub ou au cinéma, nos folles sorties shopping, nos discussions autour d’un chocolat chaud…
J’ai eu la chance de pouvoir vivre mon auberge espagnole, et je vous souhaite de tout cœur de pouvoir vivre ce que j’ai vécu, car c’est une expérience formidable qui restera gravée à jamais dans ma mémoire. Je remercie l’univers, le destin, l’alignement des planètes, de m’avoir permis de croiser ces personnes formidables à un moment où j’étais complètement démoralisé. Il y a tellement de personnes que je souhaite remercier pour ces bons moments, et si nous avons partagé un bon moment ensemble, que ce soit en Irlande ou ailleurs, sachez que vous resterez dans mon cœur pour toujours.
Peu avant la fin de mon aventure irlandaise, je discutais avec mes amies Aurélia, Élise et Marine autour d’un verre, et Marine a dit une phrase très pertinente qui résonne encore aujourd’hui dans ma tête : « Aujourd’hui, tu veux partir d’ici parce que tu as eu des mauvaises expériences, mais dans quelques années, tu n’en garderas que les meilleurs… » Marine avait raison, et cinq ans après avoir quitté l’Irlande, je repense à cette aventure tous les jours, et j’espère qu’un jour, nous pourrons nous retrouver comme dans le film Les Poupées Russes, qui est tout simplement la suite de L’Auberge Espagnole.
Je vous remercie pour votre lecture, et je vous embrasse.
Milos
